Cet article, initialement publié sur le blog d'A.sourd, a été reproduit et adapté après autorisation de la société A.sourd, service d'interprètes.
Comme évoqué dans un précédent article sur le blog d'A.sourd, aborder les thématiques en lien avec le monde de la surdité réserve bien des pièges qui pourraient te mener tout droit à l’échafaud avant même que tu aies le temps de t’expliquer ou comprendre ton erreur. Pour les déjouer, A.sourd te propose ce petit guide qui te rendra, sinon incollable, au moins plus respectable auprès des sourds et des professionnels qui gravitent autour… Sans compter l’intérêt certain de ces connaissances pour briller en soirée.
- La Langue des signes est… une langue : Banni
de ton vocabulaire le terme trop souvent colporté de « langage des
signes ». La Langue des signes est, en France et dans de nombreux pays,
reconnue comme telle et les linguistes ont depuis longtemps conclu qu’elle a tout d’une langue !
- La Langue des signes n’est pas une langue
: Ben non, personne ne communique en Langue des signes ! Par contre, on
utilise en France la Langue des signes française (LSF), en Belgique
francophone la LSFB, en Angleterre la BSL, aux États-Unis l’ASL, etc.
L’histoire, les flux migratoires, les colonisations les ont fait se
rencontrer, s’éloigner, se différencier. On observe également des
variations régionales de vocabulaire. Il existe bien une Langue des
signes internationale mais celle-ci est essentiellement mise à profit à
l’occasion de conférences réunissant des personnes sourdes de
différentes origines.
- La Langue des signes est… naturelle :
Nul homme sur Terre n’a conceptualisé, inventé ou amélioré la Langue
des signes. Comme le Français ou comme toute langue orale (à l’exception
de l’Espéranto),
la Langue des signes vient de la nuit des temps, contemporaine très
certainement des premiers êtres sourds qui ont éprouvé le besoin de
communiquer. L’Abbé de l’Épée a fait bien des choses mais il n’a inventé aucune langue ! Comme toute Langue, elle évolue en permanence.
- Dire « Malentendant » n’est pas plus politiquement correct que dire « sourd » est une insulte.
Chaque individu a sa préférence mais c’est un non-sens de désigner
quelqu’un qui n’entend rien en tant que malentendant. Peu de personnes
sourdes se trouveront offusquées d’être désignées ainsi.
- Dire « sourd-muet », par contre, est totalement faux :
en plus de dix ans d’évolution parmi les personnes sourdes, je n’en ai
jamais croisé une seule qui soit muette. Ça doit bien exister mais ça ne
peut être qu’à la suite d’un accident ou une maladie. Les personnes
sourdes ont un système phonatoire parfaitement fonctionnel mais ne
peuvent pas l’utiliser avec la même facilité que les personnes
entendantes du fait qu’il leur est difficile de contrôler précisément
leur élocution (tonalité, rythme, « volume », …) par manque de retour.
C’est un choix individuel d’apprendre à s’exprimer à l’oral. Note que
les personnes sourdes qui parlent n’entendent pas forcément mieux que
celles qui ne s’expriment qu’en Langue des signes.
- La Langue des signes ne fait pas l’interprète
: si tu veux témoigner du respect pour tous, si tu veux encourager la
considération de la personne, l’autonomie et la paix dans le monde,
sache qu’il ne suffit pas de savoir signer pour être interprète.
Imagine-toi arrêté au Mexique pour trafic de drogue et avoir le droit
pour communiquer à quelqu’un qui « parle Français parce qu’il a appris
avec son père qui a fait un séjour en France… une fois » C’est un peu
pareil ici. Le pote le fils, le père, la sœur, ou le collègue ne sont
pas interprète et quand bien même ils signent très bien (notion
subjective et constat on ne peut plus rare), il leur manquera du
vocabulaire spécifique, de la neutralité, de la fidélité, deux ans de
formation et un diplôme. Ça fait beaucoup. Ah bien sûr, c’est plus cher
mais l’interprète pour vous faire éviter la prison au Mexique aussi ! En
tout état de cause, c’est surtout un principe de respect de base. Qui
aimerait être à côté de sa mère à son entretien de recrutement ?
- L’interprète n’est pas un travailleur social, ni un conseiller, ni… ni… ni… :
de la même façon que tu ne demandes pas à ton médecin d’ausculter cette
dent qui te fait mal, sache que l’interprète n’est pas là pour assurer
ton travail ou celui d’un autre. Il assure juste le lien entre deux
langues et se gardera bien de signaler tout malentendu, à moins que
celui-ci soit du fait de l’interprétation. Il n’est pas là pour aider
quiconque, conseiller, encourager et j’en passe. Selon la situation, il
peut donc être pertinent de faire appel à d’autres professionnels :
médiateur, assistant social, …
- L’écrit n’est pas la solution :
et pour cause, l’éducation proposée en France aux jeunes sourds est
pour le moins lacunaire. Une large majorité de la population sourde est
mal à l’aise avec le Français écrit. Alors si tu songes à avoir des
conversations par feuille de papier interposé ou encore à faire passer
toutes les infos par mail, dis-toi que tu n’es pas à l’abri d’une
incompréhension et autre malentendu.
- L’interprétation à distance, non plus : sans long discours, je te renvoi à un billet récent
qui t’expliquera que les méthodes pour assurer l’accessibilité sont
multiples parce que les besoins le sont tout autant (voire plus). La
visio-interprétation est un moyen qui pourra répondre à certaines
problématiques et pas à d’autres. Tout comme le LPC, la boucle
magnétique ou la Langue des signes peuvent ne pas être à propos.
Finalement, le mieux consiste à demander aux bénéficiaires d’évoquer
leur besoin et au prestataire de proposer la mise en œuvre la plus
adaptée.
- Les personnes sourdes n’ont pas besoin d’aide : sauf bien sûr si on parle du kilo de pêches qui s’est renversé sur la chaussée. En dehors de cette situation qui vaudra bien que tu te mettes à quatre pattes pour aider le pauvre jeune homme à rassembler ses fruits, les personnes sourdes ont surtout besoin des moyens humains ou matériels qui existent pour assurer l’accessibilité et la communication essentielle au quotidien. On pourra ajouter qu’il serait bien utile qu’un certain nombre de lois qui existent soient appliquées dans l’intérêt de tous mais c’est là une considération plus large et un combat plus épique encore…
Source : blog d'A.sourd ; merci à
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