lundi 8 avril 2013

Top 10 des choses à savoir avant de parler des sourds

Que tu sois bibliothécaire travaillant déjà avec des usagers sourds ou nouvel arrivant dans le monde Sourds / langue des signes, cette note est pour toi !

Cet article, initialement publié sur le blog d'A.sourd, a été reproduit et adapté après autorisation de la société A.sourd, service d'interprètes.




Comme évoqué dans un précédent article sur le blog d'A.sourd, aborder les thématiques en lien avec le monde de la surdité réserve bien des pièges qui pourraient te mener tout droit à l’échafaud avant même que tu aies le temps de t’expliquer ou comprendre ton erreur. Pour les déjouer, A.sourd te propose ce petit guide qui te rendra, sinon incollable, au moins plus respectable auprès des sourds et des professionnels qui gravitent autour… Sans compter l’intérêt certain de ces connaissances pour briller en soirée.

  1. La Langue des signes est… une langue : Banni de ton vocabulaire le terme trop souvent colporté de « langage des signes ». La Langue des signes est, en France et dans de nombreux pays, reconnue comme telle et les linguistes ont depuis longtemps conclu qu’elle a tout d’une langue !
     
  2. La Langue des signes n’est pas une langue : Ben non, personne ne communique en Langue des signes ! Par contre, on utilise en France la Langue des signes française (LSF), en Belgique francophone la LSFB, en Angleterre la BSL, aux États-Unis l’ASL, etc. L’histoire, les flux migratoires, les colonisations les ont fait se rencontrer, s’éloigner, se différencier. On observe également des variations régionales de vocabulaire. Il existe bien une Langue des signes internationale mais celle-ci est essentiellement mise à profit à l’occasion de conférences réunissant des personnes sourdes de différentes origines.
     
  3. La Langue des signes est… naturelle : Nul homme sur Terre n’a conceptualisé, inventé ou amélioré la Langue des signes. Comme le Français ou comme toute langue orale (à l’exception de l’Espéranto), la Langue des signes vient de la nuit des temps, contemporaine très certainement des premiers êtres sourds qui ont éprouvé le besoin de communiquer. L’Abbé de l’Épée a fait bien des choses mais il n’a inventé aucune langue ! Comme toute Langue, elle évolue en permanence.
     
  4. Dire « Malentendant » n’est pas plus politiquement correct que dire « sourd » est une insulte. Chaque individu a sa préférence mais c’est un non-sens de désigner quelqu’un qui n’entend rien en tant que malentendant. Peu de personnes sourdes se trouveront offusquées d’être désignées ainsi.
     
  5. Dire « sourd-muet », par contre, est totalement faux : en plus de dix ans d’évolution parmi les personnes sourdes, je n’en ai jamais croisé une seule qui soit muette. Ça doit bien exister mais ça ne peut être qu’à la suite d’un accident ou une maladie. Les personnes sourdes ont un système phonatoire parfaitement fonctionnel mais ne peuvent pas l’utiliser avec la même facilité que les personnes entendantes du fait qu’il leur est difficile de contrôler précisément leur élocution (tonalité, rythme, « volume », …) par manque de retour. C’est un choix individuel d’apprendre à s’exprimer à l’oral. Note que les personnes sourdes qui parlent n’entendent pas forcément mieux que celles qui ne s’expriment qu’en Langue des signes.
     
  6. La Langue des signes ne fait pas l’interprète : si tu veux témoigner du respect pour tous, si tu veux encourager la considération de la personne, l’autonomie et la paix dans le monde, sache qu’il ne suffit pas de savoir signer pour être interprète. Imagine-toi arrêté au Mexique pour trafic de drogue et avoir le droit pour communiquer à quelqu’un qui « parle Français parce qu’il a appris avec son père qui a fait un séjour en France… une fois » C’est un peu pareil ici. Le pote  le fils, le père, la sœur, ou le collègue ne sont pas interprète et quand bien même ils signent très bien (notion subjective et constat on ne peut plus rare), il leur manquera du vocabulaire spécifique, de la neutralité, de la fidélité, deux ans de formation et un diplôme. Ça fait beaucoup. Ah bien sûr, c’est plus cher mais l’interprète pour vous faire éviter la prison au Mexique aussi ! En tout état de cause, c’est surtout un principe de respect de base. Qui aimerait être à côté de sa mère à son entretien de recrutement ?
     
  7. L’interprète n’est pas un travailleur social, ni un conseiller, ni… ni… ni… : de la même façon que tu ne demandes pas à ton médecin d’ausculter cette dent qui te fait mal, sache que l’interprète n’est pas là pour assurer ton travail ou celui d’un autre. Il assure juste le lien entre deux langues et se gardera bien de signaler tout malentendu, à moins que celui-ci soit du fait de l’interprétation. Il n’est pas là pour aider quiconque, conseiller, encourager et j’en passe. Selon la situation, il peut donc être pertinent de faire appel à d’autres professionnels : médiateur, assistant social, …
     
  8. L’écrit n’est pas la solution : et pour cause, l’éducation proposée en France aux jeunes sourds est pour le moins lacunaire. Une large majorité de la population sourde est mal à l’aise avec le Français écrit. Alors si tu songes à avoir des conversations par feuille de papier interposé ou encore à faire passer toutes les infos par mail, dis-toi que tu n’es pas à l’abri d’une incompréhension et autre malentendu.
     
  9. L’interprétation à distance, non plus : sans long discours, je te renvoi à un billet récent qui t’expliquera que les méthodes pour assurer l’accessibilité sont multiples parce que les besoins le sont tout autant (voire plus). La visio-interprétation est un moyen qui pourra répondre à certaines problématiques et pas à d’autres. Tout comme le LPC, la boucle magnétique ou la Langue des signes peuvent ne pas être à propos. Finalement, le mieux consiste à demander aux bénéficiaires d’évoquer leur besoin et au prestataire de proposer la mise en œuvre la plus adaptée.
     
  10. Les personnes sourdes n’ont pas besoin d’aide : sauf bien sûr si on parle du kilo de pêches qui s’est renversé sur la chaussée. En dehors de cette situation qui vaudra bien que tu te mettes à quatre pattes pour aider le pauvre jeune homme à rassembler ses fruits, les personnes sourdes ont surtout besoin des moyens humains ou matériels qui existent pour assurer l’accessibilité et la communication essentielle au quotidien. On pourra ajouter qu’il serait bien utile qu’un certain nombre de lois qui existent soient appliquées dans l’intérêt de tous mais c’est là une considération plus large et un combat plus épique encore… 
Ami lecteur, participe à la diffusion de cette bonne parole qui prône des principes vieux d’une à plusieurs décennies qui ont du mal à pénétrer les esprits et le bon sens commun ! 

Source : blog d'A.sourd ; merci à @vvanatten pour le lien !

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